Une Eroica de Salon

Beethoven conducting Razumkovski quartet (1876)

Dans l’imaginaire collectif contemporain, l’Eroica, la troisième symphonie de Beethoven, composée entre 1803 et 1804, correspond à l’apogée de la production orchestrale du compositeur de Bonn : une écriture orchestrale dense, destinée à être jouée par une légion de musiciens pour « célébrer la mémoire d’un grand homme » (Napoléon originairement, avant que Beethoven, dans un accès de rage, décide d’en supprimer le nom quand le consul se déclara « Empereur des Français » en décembre 1804). Pourtant, dans les années suivant sa création, le 7 avril 1805 au Theater an der Wien, rares furent les concerts durant lesquels l’œuvre fut entendue dans sa version orchestrale : à une époque au cours de laquelle les grandes salles de concert publiques étaient encore une exception et les concerts avec orchestre peu fréquents même dans de grandes villes, le répertoire symphonique circulait principalement à travers des arrangements pour petites formation de chambre ou des réductions pour piano. Pour l’Eroica les premiers arrangements furent publiés dès 1807, quelques mois seulement après la publication des parties d’orchestre. D’autres versions, réalisées par des musiciens bien connus et proches de Beethoven, ne tardèrent pas à voir le jour dans les années suivantes : C. Czerny publia en 1810 un arrangement pour deux pianos et en 1830 pour piano à quatre mains, F. Ries une nouvelle version pour piano, violon, alto et violoncelle vers 1820 et J. N. Hummel une autre pour piano, flûte, violon et violoncelle vers 1826.

Le projet de l’Ensemble Hexaméron se propose d’évoquer la réception du chef-d’œuvre symphonique de Beethoven dans les premières décennies qui suivirent sa création, en mettant en scène les métamorphoses qui ont dû en marquer la diffusion dans les salons de l’époque. Dans un dialogue constant entre modes d’exécution et d’écoute différents, les concerts proposeront ainsi une exécution intégrale de l’œuvre dans laquelle chaque mouvement sera joué dans un arrangement différent. Le dernier mouvement, quant à lui, sera proposé sous forme de pastiche d’arrangements, préparé par Luca Montebugnoli, pianiste et directeur artistique de l’ensemble. Les concerts seront complétés par l’exécution de pièces des trois arrangeurs qui en montreront le style et l’écriture pour de différentes formations.



Pianoforte Rosenberger, Vienne 1820, collection de Luca Montebugnoli